Ce qui a changé : nos lectures se déposaient, se sédimentaient en nous, un trésor s’accumulait, l’ensemble nous structurait comme un fin squelette de références ; ce corpus comme un corps second, plus intelligent et même plus sensible. Nous lisons encore, mais plus rien ne s’inscrit. Les phrases fulgurent, flashs, éclairs, fusées. Nous en faisons profit dans l’instant, comme de toute chose, en consommateurs impatients et fébriles, déjà séduits et tentés par une autre proposition. La tablette numérique est en effet l’ardoise magique qui convient à ce nouveau mode de l’être. Le volume de papier sitôt lu encombre la maison comme un cadavre. Eric Chevillard
Mais l’erreur des partisans exclusifs de la liseuse (pour certains d’entre eux, le papier est soudain devenu une chose immonde, semble-t-il, absolument répugnante) est de croire que ceux qui s’accrochent au livre sacralisent l’objet, alors que c’est bien au contraire parce que celui-ci se laisse tordre, malmener, planter dans la plage et qu’il essuie l’averse de bonne grâce qu’ils le préfèrent encore à la merveille technologique sophistiquée, laquelle n’apprécierait sans doute guère ni le grain de sable ni la goutte de pluie.
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